Refondons l'Ecole !

Actuellement nous avons une demande institutionnelle portant sur la refondation de l’Ecole. Vaste sujet que celui-ci ! Il ne peut être que source de débats, de polémiques voire de parti pris…

 

Si les approches proposées sont intéressantes elles me paraissent un peu, sinon négliger, en tout cas contourner la question essentielle : une Ecole pourquoi ? Quelles sont les objectifs fixés par la Nation à son système d’enseignement ?

 

Un héritage de l’histoire

 

Nous sommes les héritiers d’un système à deux « vitesses » entre lesquels nous alternons plus vers l’une ou vers l’autre suivant les périodes.

 

Le premier versant est en droite ligne des lycées napoléoniens et élitiste. Le second provient du système « populaire » de l’enseignement primaire.

 

Les lycées avaient pour finalité d’amener les enfants devenus des jeunes au baccalauréat puis vers l’enseignement supérieur avec les grandes écoles et l’Université. On formait l’élite de la Nation.

 

Les écoles primaires s’adressaient au peuple. Il fallait l’instruire à minima pour qu’il perçoive l’importance de la Nation, qu’il constitue des citoyens capables de produire pour augmenter la richesse nationale. Parmi les élèves de ce système, les meilleurs, les plus « méritants » pouvaient se voir proposer un parcours en lycée (souvent avec un déracinement familial). Les autres parmi les bons élèves accédaient au, célèbre, certificat d’étude primaire.

Les « mauvais » étaient accueillis en fond de classe, à charge pour eux de ne pas perturber la classe sous peine de porter le bonnet d’âne et d’aller « au piquet » ! Dès cette époque nous n’étions désemparés devant ceux qui « ne réussissaient pas »…

 

Deux grandes différences par rapport à cette époque comparée à aujourd’hui, notre société permettait, malgré tout, une insertion professionnelle –les conditions économiques n’étant pas si contraignantes qu’actuellement- et le regard porté sur l’Ecole n’était pas si critique voire si négatif qu’il l’est depuis une quarantaine d’années.

 

Il n’en demeure pas moins que ces deux systèmes avaient des objectifs. Ils peuvent être discutés mais chacun connaissait sa place et sa « feuille de route ».

 

La « massification »…

 

Au sortir de la dernière guerre mondiale la population jeune augmente en proportion. Se pose  question de leur intégration dans le système d’enseignement. Le sujet ne fait pas l’unanimité d’autant qu’il se produit alors que la société française évolue fortement en devenant, notamment, une population urbaine…

 

Les jeunes doivent-ils donc aller en lycée ou bien dans le système primaire ?

 

Le premier ne semble pas vouloir évoluer et le second n’est pas prêt pour accueillir cet afflux d’élèves (nous verrons plus loin les conséquences en termes de recrutement d’enseignants). Une « troisième voie » est tentée : la création des collèges. Il s’agit bien ici d’un pluriel : collège d’enseignement général, d’enseignement secondaire et, enfin, collège d’enseignement technique ! Le premier est un « primaire supérieur » (avec des professeurs d’enseignement général des collèges, PEGC, issus du premier degré). Le second est un « petit lycée » (avec des enseignants certifiés). Le troisième porte le nom de collège mais n’accueille des élèves qu’après la classe de 5ème pour préparer un certificat d’aptitude professionnel (CAP). Cette diversité d’établissement marque bien également les finalités de chacun d’entre eux. La distinction entre filières nobles et populaires persiste, celles à destinations courtes ou longues. Heureusement des passerelles (donc relativement étroites) existent et permettent de passer de l’un à l’autre des cursus.

 

Cette situation n’étant guère tenable l’orientation retenue a été celle du « petit lycée » avec donc une organisation, un fonctionnement très secondaire ! L’une des conséquences sur les personnels est la disparition du corps des PEGC et donc de la pluri valence de matières d’enseignement chez les enseignants du secondaire (la dernière tentative engagée par Gilles de Robien est très loin d’avoir eu l’effet escompté !). La perspective de ce système est donc clairement orientée vers l’enseignement supérieur (cursus long)  et de préférence les grandes écoles (autre particularisme français).

 

Cela explique également la place délicate de l’enseignement professionnel dans cet ensemble et l’orientation par défaut, par l’échec dans ces filières ! Ceci explique également, en partie, la présence d’un système propre pour l’enseignement agricole et l’implication des organismes professionnels (syndicats de filières, chambre de commerce, des métiers…) dans la formation…

 

… et ses conséquences !

 

La société change, le contexte économique également et ce qui était considéré comme « acceptable », méconnu voire non mesuré apparaît alors comme insupportable. Le point cristallisant le maximum de rancœur est le fait que bon nombre de jeunes passant par ce système sortent sans diplôme. La situation économique ayant fortement évolué à partir des années soixante dix le diplôme devient de plus en plus un « garde fou » contre le chômage qui se développe fortement. Le constat est doublement sévère : il est toujours plus difficile d’obtenir un emploi sans diplôme et le système semble laisser chaque année un peu plus d’élèves sur le côté. Semble car jusqu’à une époque récente nous n’avions pas (ne voulions pas ?) cette préoccupation, voire, ces éléments n’étaient connus que d’un nombre limité « d’initiés » !

 

Ce qui est vrai est qu’aujourd’hui nous avons la capacité de quantifier ce phénomène. Il semble que ce phénomène soit en hausse… Est-il pour autant un élément récent ? Non !

 

Nous trouvons dans la littérature qu’elle soit spécialisée ou de fiction  des « traces » de cet échec scolaire. Combien de jeunes ont été « oubliés » en fond de classe ? Combien de jeunes ont obtenu ce parchemin « merveilleux » qu’était le certificat d’étude primaire pendant son siècle d’existence ? Très peu en proportion du nombre d’élèves concernés : moins de dix millions (et nous sommes généreux avec ce chiffre !) en un  peu plus de cent années d’existence ! La proportion de bachelier ? De l’ordre de 4% d’une classe d’âge dans les années soixante ! Alors le bac est-il donné aujourd’hui (près de 80% d’une classe d’âge) ? Le niveau baisse-t-il ? Cette question est intéressante et, là encore, elle n’est pas récente. Nous avons trouvé trace d’un article datant de 1941 faisant part de ces préoccupations et du trop grand nombre d’étudiants ! Plus certainement nous sommes à la fois dans un contexte où la cadre de référence a évolué et où la nature humaine a tendance a « embellir » le temps d’avant… Ce qui était, éventuellement, acceptable ne l’est plus aujourd’hui. Nous nous devons de donner une chance à chacun d’obtenir une qualification. Il en va de son insertion professionnelle voire dans la société.

 

La croisée des chemins…

 

La grande question nous paraît donc pouvoir être formulée de la manière suivante : comment créer les conditions permettant à tout jeune, élève du système, de progresser au mieux de ses intérêts et de ceux de la Nation ?

Comment faire pour garder une attention à ceux qui, aujourd’hui, ne trouvent pas leur place dans l’Ecole (et potentiellement, ensuite, dans la société) tout en permettant aussi de répondre aux aspirations de ceux qui ont un"profil « scolaire » voire brillant aujourd’hui ?

 

Cela permettrait de répondre, ensuite, à des questions d’ordre technique mais qui ont tendance actuellement à occuper la scène médiatique alors qu’elles sont, à notre sens, secondaire. Nous citerons (sans ordre) : les rythmes scolaires, l’organisation du système, la formation des personnels, les contenus des « programmes »…

 

En effet, à quoi cela sert-il de parler de formation des enseignants, par exemple, si, auparavant, il n’a pas été éclairci ce qu’étaient les objectifs fixés à l’Ecole. Il n’est alors pas envisageable d’établir les contenus de l’enseignement ainsi que ce qui est, alors, attendu des établissements (lesquels ?) et des enseignants !

 

Des doutes !                                                                          

 

Nous craignons qu’une nouvelle fois il ne soit, ici, question que d’un « toilettage » de l’institution. Les uns et les autres faisant remonter leur point de vue il faudrait un, vrai, courage politique pour changer les choses. Si ce n’est pas le cas, pourquoi, alors, parler de refondation ? Le terme est fort de sens et de promesses. Plus que la méthode, il apparaît à peu près de manière évidente que nous ne pouvons pas atteindre cet objectif dans le temps accordé à cette démarche !

 

Il est vrai que le temps « politique » est relativement incompatible avec celui de l’éducation. Il n’est pas question ici d’un quinquennat mais de l’avenir de nos enfants voire de celui de notre pays. Nous ne pensons pas que le calendrier proposé, même s’il paraît attrayant soit susceptible de permettre une réelle refondation de l’Ecole. Des, bonnes, questions seront soulevées, discutées, amèneront-elles pour autant des changements en profondeur ? Espérons que nous nous trompons en étant pessimiste !

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